PÉRIGNAC : LE PREMIER JOUR

Nous allons raconter la fin du monde en sachant fort bien qu’elle fut “temporaire”. Les dates mentionnées n’ont aucune importance puisque personne ne sait si l’Humanité changera sa façon d’être d’ici cinquante ans. Nous avons tous eu des cauchemars concernant une possible guerre universelle. Nous n’inventons rien de nouveau, sauf que nous osons raconter ce que nous ressentons au fond du coeur. Il s’agit d’un sombre tableau de la fin du monde “ des grandes civilisations ”et non de l’Humanité comme telle. Par contre, il faut être réaliste lorsqu’on imagine ce qui risquerait de se produire au cours de conflits armés impliquant des missiles nucléaires.

Les trois derniers jours représentent le début de cette guerre, les résultats de celle-ci et finalement la grande défaite universelle puisqu’il ne pourrait y avoir un gagnant et un perdant. C’est notre opinion et non celle des spécialistes en stratégies militaires.

Le premier jour

L’air de la planète Terre était devenue suffoquant à cause des nombreux missiles nucléaires qui éclataient au-dessus des grandes cités à travers les continents. C’était finalement une guerre universelle et plus aucune nation ne savait comment s’y prendre pour y mettre un terme. La coalition des pays arabes l’avait provoquée mais les Chinois s’étaient mis en tête d’occuper les rares pays encore épargnés par la pollution des armes atomiques et bactériologiques qui pleuvaient de partout à travers le monde. Cette guerre fut surnommée : guerre d’usure car les armes n’étaient plus dirigées vers des ennemis en particulier, mais simplement vers l’ancien désert de Gobi, situé en Mongolie. Les nations se faisaient une guerre d’usure en cherchant à se rendre maître d’une base souterraine ayant déjà servi à L’ORGANISATION DU NOUVEL ORDRE MONDIAL. On la disait imprenable puisque tous les pays affiliés à l’O.T.A.N, s’étaient mis d’accord pour rassembler leurs puissances militaires et technologiques au coeur de ce désert. Toutes les armes stratégiques s’y retrouvaient et faisaient de l’Otan un genre de TITANIC impossible à vaincre militairement. Le but initial de cette base secrète était stratégique en soi puisqu’elle avait fonction de décourager les puissances engagées dans un conflit nucléaire. Au départ, des missiles INTERNATIONAUX sortaient de cette base pour détruire les armes des pays récalcitrants avant que la guerre devienne mondiale. Même la Chine et la Russie se joignirent à la défense de la planète en offrant plusieurs armes sophistiquées à l’O.N.O.M ( Organisation du Nouvel Ordre Mondial ).

Vers les années 2040, plusieurs nations arabes s’allièrent pour détruire la puissance américaine et européenne. L’Angleterre et la France subirent une défaite militaire terrible car les missiles ennemis laissèrent des populations entières sans abris, sans eau et sans électricité. La plupart des pays voisins accueillirent des millions de réfugiés, mais le maître des pays arabes décida de porter un grand coup à la race européenne en lançant cinq missiles porteur d’un virus encore inconnu des scientifiques étrangers. Il portait simplement le numéro 6. Les Européens ripostèrent à ces armes bactériologiques en détruisant Jérusalem, le 6 juin 2036. Même si Israël était un pays allié, il fallut lui faire souffrir les horreurs d’une telle attaque puisque ce lieu saint était également revendiqué par tous les autres pays arabes pour des raisons religieuses. En détruisant cette ville, c’était toute l’histoire de la nation islamique que l’on mettait en cendres. L’effet psychologique s’ensuivit, exactement comme si dix mille bombes atomiques étaient tombées sur l’Orient. Les Israélites ne purent pardonner cette attaque des Européens et s’allièrent aux nations longtemps considérées comme leurs ennemis.

En l’an 2039, un séisme naturel pratiqua une fissure au milieu du désert de Gobi et détruisit tout le système informatisé de l’O.N.O.M. Cela enclencha la mise accidentelle du radar-laser de détection anti-missile qui indiqua alors aux ordinateurs comment se défendre contre le monde entier. En effet, il fit déclencher une riposte terrible contre toutes les nations du monde lorsqu’il crut intercepter un envoi massif de missiles nucléaires à travers la planète. Par conséquent, il commença à intervenir en les détruisant dans le ciel. La Chine fut durement touchée, tout comme les Amériques et le Japon. Les missiles pleuvaient de partout sans que les nations puissent les intercepter à temps. La seule solution consistait à détruire cette base dans le désert. Mais voilà, elle était justement conçue pour supporter toutes attaques. Les militaires qui travaillaient dans le ventre de ce monstre informatisé périrent soit au cours du séisme naturel ou en tentant de rétablir le système de défense de la base.

Depuis sept ans, tous les efforts de guerre étaient dirigés contre cette base militaire internationale. Même les arabes préféraient détruire les missiles dès le départ puisqu’ils étaient incapables de prévoir la trajectoire de ces FLÈCHES ATOMIQUES. On les appelait ainsi puisque ces missiles avaient l’apparence d’une flèche argentée. Leurs têtes chercheuses étaient programmées pour suivre trois trajectoires différentes avant de piquer sur leurs véritables objectifs. Cette belle invention démoniaque forçaient les humains à se méfier de ces objets qui pouvaient passer deux fois au-dessus d’une ville sans la faire sauter pour ensuite revenir plusieurs heures après en piquant cette fois sur un immeuble. Parfois, elles se suivaient dans le ciel comme une volée d’oiseaux migrateurs et ne faisaient que passer. Toutefois, aucune nation ne prenait de chance et déployait aussitôt son arsenal de missiles pour les empêcher de traverser leur territoire. Ainsi, après un certain temps, toutes puissances militaires mondiales usèrent la plupart de leurs munitions destructrices, exactement comme un serpent vidé de son venin.

Vers 2046, les nations connurent une sorte de paix temporaire mais qui laissa tout de même des millions de gens sans abris et sans véritable avenir. La folie des grands n’était pas encore guérie malgré les nombreux désastres écologiques qui furent déclenchés par les conflits nucléaires. La pollution, la radioactivité, l’effondrement de plusieurs côtes et les maladies n’étaient pas encore parvenus à freiner cette haine entre les races. On voulait se venger des Arabes et ceux-ci voulaient en faire autant des pays occidentaux. Seuls les Chinois ne parlaient pas de vengeance. Ce peuple était assez intelligent pour savoir que le dragon cesse d’être dangereux lorsqu’il a craché tout son feu. Ils attendaient donc que les autres puissances s’entre-tuent pour gouverner le monde. Il était vraiment utopique de croire que les Chinois puissent s’allier à d’autres races que la leur! C’était le seul peuple au monde qui ne changeait pas malgré une forte influence économique subie de l’Occident. La Chine disait comprendre la manière de penser de ses voisins, mais demeurait toutefois convaincue d’avoir la seule vraie culture de la sagesse. Alors que tous les autres se battaient, la Chine demeurait neutre et silencieuse.

Au milieu des années 2050, la Chine contrôlait plus de la moitié du marché mondial. Son économie lui permit de mettre en route pas moins de deux cents millions de soldats à travers l’Europe et les Amériques. Toutefois, c’est au Mexique qu’elle envoya le plus gros de ses troupes car c’était à son avantage de détruire toutes les usines militaires américaines construites dans ce pays. Elle en profita pour imposer ses points de vue sur l’équilibre des races en faisant abaisser tous les drapeaux qui se trouvaient à l’O.N.U et fit adopter un unique symbole universel. Pendant près de trois ans, elle obligea les nations qui dépendaient d’elle économiquement à opter pour son nouveau drapeau. Un cercle divisé par la rouge et le jaune symbolisait la force du yin et du yan de la nouvelle race gouvernante. Elle allait toutefois en payer le prix puisque son mouvement en dehors de ses anciennes frontières provoqua une rupture culturelle de sa nation. En effet, un sage politicien du nom de Chiang-Chang prédit la mort de la Chine à court terme. Ce visionnaire comparait son pays à une haute montagne autour de laquelle le peuple puisait sa force et sa stabilité. En tentant de contrôler le monde, les dirigeants chinois crurent naïvement que la montagne ancestrale pouvait se déplacer facilement. Pourtant, le peuple ne réagit point comme prévu puisqu’il était persuadé que son unique patrie était celle de leurs ancêtres. Ainsi, lorsqu’ils éparpillèrent le peuple un peu partout dans le monde, les politiciens chinois perdirent la stabilité de cette montagne traditionaliste. On tenta de déménager une culture qui ne pouvait plus s’adapter dans leurs nouvelles colonies. Chiang-Chang disait souvent: “ Si vous pouvez encore compter les milliards de pierres qui formaient notre montagne millénaire, vous ne pourrez plus voir cette montagne que vous venez de détruire”.

Comme prévu, les envahisseurs chinois furent incapables d’empêcher l’écroulement de leur culture. Une grande révolution, voire même une terrible guerre civile renversa le gouvernement. Tous ses membres furent exécutés selon le même verdict populaire : Vous êtes accusés d’avoir corrompu l’esprit du peuple en vous laissant séduire par un désir colonialiste. La Chine n’avait pas besoin des autres territoires pour prouver sa supériorité. Elle était consciente d’être vraiment unique. Par conséquent, l’hégémonie transgressa la mentalité chinoise en voulant lui greffer des corps étrangers.

L’année 2053 marqua la fin de l’explosion culturelle chinoise et sa chute économique. Elle pouvait encore se relever de sa crise en s’associant aux nations arabes pour nourrir ses millions de soldats encore cantonnés au Mexique. À ce moment, l’armée jaune avait un pressant besoin de mazout pour s’emparer des Amériques. La désorganisation militaire d’avant la révolution avait laissée pas moins de soixante millions de soldats en attente à seulement quelques kilomètres des frontières américaines. Cette situation dramatique força les États-Unis à réouvrir des centaines d’industries qui n’étaient plus utilisées depuis le libre échange avec son voisin du sud. Il va sans dire que l’armée américaine parvint à ralentir la marche chinoise au Nouveau-Mexique en réalisant qu’elle manquait de munitions et de carburant. En l’an 2054, la Chine décida de s’allier aux arabes même si cela l’entraînait dans une guerre de religions. En effet, un certain ANIBAL, dit MOHAMED GAZA prit la tête de l’armée islamique pour défier le diable et l’Antéchrist, personnifié par le régime capitaliste. La Chine ne croyait pas en la sainte mission d’Anibal, mais lui apporta son appui afin d’obtenir du pétrole. La Russie qui ne parvenait pas à unifier ses états indépendants se brancha finalement dans un statut politique qui privilégiait la foi musulmane. Du même coup, Anibal envoya ses troupes protéger la sainte Russie contre les États encore orthodoxes. En réalité, la Russie voulait revenir à un système totalitaire en écrasant ses anciens partenaires qui s’étaient libérés du régime communiste dans l’ancienne U.R.S.S.

On pourrait se demander quels étaient les réelles intentions du chef Arabe qui monopolisa ainsi ces deux grandes nations si culturellement opposées? En fait, l’histoire se répétait encore: telles les croisades du Moyen Âge, tout comme l’envahissement de Napoléon ou d’Hitler, on illusionnait le peuple sous prétexte d’assainir sa foi. On pourrait croire que depuis le début de l’humanité, les Terriens avaient appris à reconnaître les intentions sadiques de ces buveurs de sang. L’information n’était-elle pas disponible d’un bout à l’autre du globe! Rien n’y changea; on aveugla le peuple sous l’idéologie la plus utilisée à travers les temps : la foi. Est-ce que la véritable foi qui illumine le coeur du croyant arriverait à provoquer une telle effusion de sang?

Après autant d’ années de guerre universelle, voila que la nouvelle coalition Arabe-Chinoise-Russie comme prévu, plongea le monde dans un autre enfer. Le diable lui-même se réjouissait des malheurs qui plaçaient l’humanité dans le tourbillon de l’autodestruction. À vrai dire, ce conflit était le résultat d’une haine entretenue par les fanatiques religieux des quatre coins de cette planète en voie d’être assassinée. Dieu parla à ses prophètes en détournant les yeux du monde : “ Je suis l’Amour et l’on me défend de l’être. Toi, si tu prends plaisir à répandre le sang en mon nom, sache que ton bonheur est sur Terre et non dans mon royaume pacifique où les brebis côtoient les loups sans les craindre. Toi, si tu crois en l’Amour, que fais-tu les bras levés contre ton prochain, les poings serrés et le coeur rempli de vengeance? Sache que l’Inconnu a fait le monde que tu détruis pour obtenir ta place dans un lieu qui te ressemblera. C’est Moi que tu jettes dans la rue, que tu massacres en me traitant d’impiété et me crachant encore à la figure. Sache que ton nom n’est pas le mien car je suis celui ou celle que tu méprises. Ouvres tous les livres saints et efface ce nom que tu bafoues constamment en croyant que je puisse renier mon Oeuvre. Je suis l’Amour et pas autre chose. Mais je sais que tu tueras les prophètes plutôt que de te déposséder des attributs qui font de toi le destructeur de mon plan de paix. Homme blanc, noir, jaune et rouge, où sont les fleurs de mon jardin? Qu’as-tu fais de l’eau de mon puits? Dans quelle atmosphère as-tu plongé ma planète? Où se trouve mon temple et mon peuple parmi ces décombres et ces cadavres? Homme, qu’as-tu fais de tes talents? Tu ne réponds plus à ces questions depuis que l’Amour a cessé d’être ta raison de vivre”.

En l’an 2057, le nombre des Terriens avait chuté à six cents soixante six millions d’individus. La peste et les bombes de toutes sortes furent responsables de la moitié des victimes de la guerre et l’autre moitié devait être attribuée au terrible Sida. En effet, en temps de guerre, les médecins traitaient les blessés avec des moyens très limités. Lorsqu’ils donnaient des transfusions sanguines, ils n’avaient pas les moyens de faire analyser le sang des donneurs, sauf pour le ranger selon son groupe. Encore là, en situation d’urgence, des millions d’individus recevaient les transfusions avec du sang qui ne fut jamais analysé.

Au début de l’an 2058, les Américains mirent au point le CRASY TARGET. C’était un genre de rayon ressemblant à ceux qui sont utilisés pour réaliser des hologrammes. Il pouvait tromper l’ennemi en créant des projections de missiles, d’avions, de chars d’assauts et même de soldats. Il possédait un système très sophistiqué qui pouvait non seulement téléporter des images dans un endroit précis du monde, mais leur donner l’apparence du réel. Ainsi, les satellites de communications et les radars ennemis enregistraient exactement les mêmes caractéristiques entre un faux et un vrai missile. Lorsque les armées chinoises virent deux milles avions américaines survoler le ciel Mexicain, elles furent incapables de distinguer parmi ces projections, les deux cents avions réels, camouflés entre des milliers d’hologrammes impossibles à abattre. Pourtant, les Chinois perdirent toutes leurs munitions au cours de cette attaque aérienne. Les Américains projetèrent une armée de deux cents mille hommes dans l’un des pays arabes et créèrent ainsi un confusion parmi la population qui fuyait la cité de Bagdad sans se demander s’il s’agissait d’une vraie ou fausse armée.

Finalement, c’est au milieu de l’été 2060 que l’Europe fut reprise par les Américains et leurs alliés. Le Japon disparut la même année de la carte du monde après avoir subi le même sort que les côtes de plusieurs pays. Le Canada connut plusieurs inondations provoquées par le dégel du Grand Nord.

À la fin de l’année 2063, la puissante armée d’Anibal recula jusqu’en Palestine. Les Chinois connurent une autre guerre civile, ce qui permit aux Européens et Américains de reprendre la quasi totalité du monde. Il faut préciser que cela se fit avec la collaboration de la Russie. Elle comprit rapidement que la Chine voulait strictement le pouvoir totalitaire et qu’elle attendait simplement que les Arabes soient vaincus pour ensuite se retourner contre les Russes. Ainsi, la plupart des États indépendants de l’ancienne URSS appuyèrent la Russie au cours de cette guerre contre la Chine. En somme, ce n’était pas contre les pays arabes que la Russie voulait se battre, mais contre les Chinois. C’est pour cette raison que les musulmans de plusieurs États soviétiques jugèrent plus prudent d’affaiblir une Chine qui s’était promise d’être la seule nation vivante sur la planète Terre. Il faut surtout préciser que le gouvernement chinois de l’époque N’ÉTAIT PAS CHINOIS. La guerre civile dans ce vaste pays créa un étrange gouvernement dont les origines ethniques provenaient de partout à travers le monde...sauf de la Chine. Les seuls représentants officiels de la race jaune provenaient de Hongkong et leurs tâches étaient simplement de servir de couverture aux véritables dictateurs du peuple à peine relevé de sa guerre civile.

C’est un matin de l’an 2066 que Ba-Fon quitta Arkara. L’aube n’était pas encore levé dans les jolis cantons d’Atlantis et de Vaurec lorsque le son de cloches se fit entendre. Mercéür et les anciens fautifs firent résonner toutes celles des quelques deux cents églises et cathédrales qui se trouvaient dans la cité des Nouveaux-Nés. Les Bâtisseurs avaient construit presque tous les modèles de temples qui se trouvent sur Terre afin de respecter les anciens fautifs dans leurs croyances religieuses. Mercéür se trouvait ce matin-là dans la réplique exacte de la cathédrale de Chartres en espérant que les lourdes cloches se fassent entendre jusqu’au canton d’Atlantis. Près de ce monument se trouvait la cathédrale de Paris et un peu plus loin, on pouvait entendre les cloches de l’église de Conque. On faisait résonner tout ce qui pouvait annoncer le triste départ de l’enfant de la lumière. Ainsi, les cloches, cors de chasses, tambours africains, tam-tam et même un immense gong oriental résonnèrent pendant plusieurs heures. Ce jour-là, il plut à chaudes larmes sur Arkara. Le Coeur royal attendait tristement la mise à mort de son frère bien-aimé. Personne ne parlait dans les deux cantons. Les Connients ne firent aucune bulle de gomme puisqu’ils s’étaient tous assis pour méditer les yeux clos. Les renards et les autres animaux demeuraient également silencieux. Aucun oiseau ne volait dans le ciel et aucun insecte ne battait des ailes. Les paysans demeuraient dans leurs maisons et méditaient comme les autres. Parfois, un enfant demandait pourquoi ce jour était si sombre et un adulte se contentait de répondre : “ Lorsque le Coeur royal pleure ainsi, cela nous fait également de la peine”.

Ba-Fon fit son apparition dans un monde dévasté et malheureux. Devant lui se trouvaient les ruines de Jérusalem où jours et nuits s’y rassemblaient des fidèles pour pleurer la destruction de la ville sainte. Il fallait voir ces gens se déchirer leurs vêtements et s’arracher des mèches de cheveux pour réaliser la monstruosité de la guerre. Les visages étaient tous marqués par des sillons laissés par les larmes de désespoir. Les enfants ne jouaient plus depuis des années et les vieillards se contentaient de dormir sur des pierres afin d’attendre la mort.

La présence de l’étranger attira une foule de curieux qui trouvaient les yeux de cet homme trop purs pour être l’ennemi de leur race. Une femme l’observait et devina aussitôt son origine. En effet, Ba-Fon portait un chapeau de glaise, des bottes et un genre de couche qui lui donnait un air ridicule. La pauvre pèlerine se souvint d’un rêve qui ne cessait de se répéter depuis son enfance. Elle s’approcha timidement du maître en murmurant le mot “Connient”. Ayant reconnu dans le coeur de celle-ci son origine arkarienne, Ba-Fon lui dit en souriant : - Tu n’as pas rêvé toute ta vie d’un monde fantastique pour qu’il soit simplement issu de ton imagination.

- Tu sais que j’ai rêvé à ce monde? Je voyais des gentils géants qui me transportaient sur leurs épaules, répondit la pauvre femme en éclipsant un sourire. Je voyais une fillette qui aimait drôlement ses promener avec les bottines d’un Connient. C’est le nom du géant que je vois dans mes rêves.

- C’est le véritable nom des géants arkariens.

- Arkariens? Ah oui, Arkariens!

La femme se mit à rire comme un jeune enfant. Elle fixa longuement cet homme dans la trentaine environ en disant du fond du coeur :

- Je ne t’ai jamais vu et pourtant je te connais. Dans mon rêve, je voyais un jeune homme qui parlait chaque jour, sur une tribune ressemblant à du verre teinté. Il demandait à la foule de le suivre en dehors de la cité, mais celle-ci se moquait de lui. Parfois, mon rêve devenait encore plus étrange car je voyais la même fillette tirer sur le coin de robe de sa mère pour lui demander une vieille pomme.

Cette fillette était très jeune lorsqu’elle suivit ses parents dans la cité de Verre. Le prêcheur de ses rêves était nul autre que Kana. C’était à l’époque où celui-ci tenta de faire sortir les citadins de Souvenance pour leur éviter de périr au cours du désastre que l’on connaît. On sait également que Kana avait le même regard que Ba-Fon. Par conséquent, l’âme de la fillette conserva le souvenir du célèbre jumeau missionnaire et même d’Adamas. La femme rêvait qu’elle était une fillette qui ne cessait de demander une vieille pomme à sa mère. La pomme d’Adam et Adamas se confondaient dans sa mémoire puisqu’il faut admettre que c’est souvent ainsi que cela se passe pour un ancien fautif. Il voit des choses en rêves qui n’ont rien de commun avec le monde des Terriens. Les chrétiens connaissent l’histoire de la pomme d’Adam et Eve mais combien d’entre eux rêvent qu’ils demandent une“ vieille pomme”? Le rêve de cette femme avait un lien avec Adamas. Il arrive assez souvent que certains noms nous frappent sans savoir pourquoi leurs résonnances nous fascinent autant. Dans le cas de cette femme, c’est l’âme de cette fillette arkarienne qui s’émouvait chaque fois qu’il était question de la pomme d’Adam.

- Je rêvais d’une grande maison où une vieille femme m’offrait une vieille pomme en me disant que c’était celle de la sagesse. Alors, je la mangeais en regardant ma mère astiquer un robot ou un androïde. Je ne l’aimais pas parce qu’il me retirait ma pomme sans rien dire.

- Je peux lire dans ton coeur ce qu’il cherche à te dire depuis que ton âme arkarienne s’est incarnée sur Terre. Tu étais la voisine du père Adamas. Chaque jour, il te prenait la main pour te conduire aux vergers communautaires avec plusieurs enfants d’Atlantis pour la cueillette quotidienne. Comme il n’avait pas de fille, celui-ci te considérait un peu comme la sienne, surtout lorsque Kana se détacha de lui pour vivre ses aventures. Un jour, le Superviseur revint à la maison en compagnie d’un bibelot animé et cessa de se rendre aux vergers puisque son serviteur le faisait pour lui. Du même coup, le vieil homme n’accompagna plus la petite voisine et celle-ci en rejeta le blâme sur l’intrus en cristal. Voila pourquoi tu rêvais constamment à la vieille pomme que t’enlevait le robot. C’est dans la cité de Verre que tu terminas ta courte enfance. Tu voulais retourner à Atlantis comme tous les fautifs et ton rêve le révèle très bien puisque dans celui-ci, tu passes ton temps à demander à ta mère de te donner une vieille pomme. Peux-tu te rappeler le nom que tu portais comme Arkarienne?

- Je vois souvent un petit bloc de sel apparaître lorsque je ferme les yeux et juste avant de m’endormir.

- Le bloc de sel avait la forme d’une fève?

- Comment as-tu deviné sa forme?

- Je le vois encore au-dessus de ta tête puisqu’il avait la forme de ton étoile à Atlantis.

- Oui, oui, je me souviens de sa forme, s’exclama la femme qui retrouvait une foule de souvenirs arkariens grâce au pouvoir de ce maître éveilleur.

- Ton nom était SELBINES. Tes amis s’amusaient à t’appeler Sel ou simplement Binessa.

- Binessa! Oui, c’est ainsi que m’appelait ma mère, répondit la pauvre femme en pleurant de joie.

- De quoi parlez-vous tous les deux?, demanda sèchement un soldat en train de faire sa ronde dans la ville dévastée. Toi, d’où viens-tu, vêtu avec un tel accoutrement? Montre-moi tes papiers.

- Mes papiers?, demanda poliment Ba-Fon d’un air évasif.

- Laisse-le donc tranquille, lui dit la femme en caressant le bras du rude soldat. Tu ne vois pas qu’il s’agit d’un saint homme?

- Si c’est ainsi que se vêtissent les saints hommes, je préfère les sains d’esprits qui affichent une tenue vestimentaire plus décente. Ton copain à l’air d’un clown de foire!

- C’est qu’il a tout perdu pendant une attaque des Américains, s’empressa de répondre la femme pour justifier l’étrange accoutrement du jeune maître arkarien.

- Je ne te crois pas, pute de malheur! Retourne d’où tu viens et toi, l’étranger, tu viens avec moi.

- Allons mon beau soldat, lui dit la prostituée qui cherchait un moyen d’empêcher l’arrestation de l’inconnu, tu as mieux à faire que de conduire cet homme à tes supérieurs. Viens plutôt avec moi dans un petit coin discret. Ainsi, tu pourras me faire la preuve de ta virilité?

Le soldat faillit succomber à la tentation mais se ravisa dès qu’il vit un autre confrère s’approcher.

- Pousse-toi la pute avant que je te botte le derrière!, lui cria-t-il en la poussant violemment sur le sol.

Ba-Fon se pencha avec empressement afin d’aider la femme à se relever, mais réalisa aussitôt que celle-ci s’était fracturé le crâne en tombant sur un amas de pierres. Alors, il plaça sa main sur le front de la défunte en disant : “ J’ai le pouvoir de te retourner dans ton ancien monde sans devoir te faire éveiller par l’eau des prêtresses du temple des Transformations. Relève-toi Binessa et marche vers la lumière qui te guidera chez toi”. Au même instant, l’âme sortit de ce corps usé et s’éleva un moment au-dessus de la ville en ruine. Une fort jolie fillette tendit les bras à Ba-Fon comme si quelque chose l’empêchait de s’élever plus haut dans un puits de lumière. Le Maître lui fit comprendre d’un regard bienveillant qu’elle n’avait pas à s’inquiéter pour lui. Alors, un magnifique sourire apparut sur le visage de l’enfant avant que la lumière l’emporte dans le ciel. Ba-Fon sentit une pression sur son épaule et une voix rauque lui cria froidement : “ Laisse-là crever cette sale pute. Elle a ce qu’elle mérite ”.

Peu après, un jeep militaire freina près de lui. On le poussa violemment dans le véhicule. Ensuite, on le frappa à coups de poings dans les flancs et la nuque. Le pauvre jeune homme qui tenait encore un baluchon dans ses mains se fit arracher celui-ci afin qu’on puisse savoir ce qu’il contenait. Un soldat l’ouvrit pour constater qu’il contenait uniquement des fruits. Il jeta ceux-ci sur le sol avant de les piétiner rapidement avant que des enfants affamés puissent s’en nourrir. Cet acte de barbarisme fit pleurer Ba-Fon. Il vit un océan de haine dans le regard de ces orphelins lorsque le soldat se mit à ricaner avant de monter dans le jeep.

Les gardiens de l’ordre d’Orient étaient des genres de mercenaires de la grande Palestine qui profitaient de l’instabilité des rapports entre les nations orientales pour imposer leurs propres lois en Palestine et surtout en Israël. Ils formaient une grande armée mais partiellement reconnue par les pays arabes. En réalité, les gardiens de l’ordre d’Orient trahissaient volontiers les règles du djihad ( guerre sainte ) pour imposer un véritable règne de terreur au sein de la population. Ces monstres ne respectaient aucune religion, aucune loi, aucun gouvernement et pas même leurs chefs. Ils se cachaient derrière un costume militaire pour justifier les tortures, les viols et les massacres qu’ils pratiquaient sans raison. Ba-Fon était entre leurs mains et attendait comme des centaines de malheureux d’être interrogé dans un bunker ayant déjà servi d’abri anti-nucléaire par la population juive. Les mercenaires décidèrent d’en faire leur quartier général et laissèrent ainsi des milliers de gens sans protection.

Ba-Fon croyait que les autres prisonniers seraient moins BÊTES que les tortionnaires lorsqu’on le jeta à coups de pieds dans une cellule remplie de gens aux visages hagards. Un homme vit le chapeau de glaise rouler contre son pied et s’empressa de l’écraser en criant de désespoir :

- Je te rends un service en détruisant un chapeau que tu ne remettras jamais plus en sortant d’ici puisqu’ils vont sûrement te couper la tête!

- La tête?, s’empressa de répondre un autre prisonnier en fixant la brebis égarée dans ce monde infernal. Compte-toi chanceux s’ils te coupent rapidement la tête pour ensuite la lancer dans un coin du mur. Normalement, ils débutent par la langue et te demandent ensuite de parler. Comme tu ne peux le faire, ils te percent les oreilles pour ensuite exiger que tu écoutes leurs questions. Ils coupent, coupent et coupent partout comme des bouchers à bétails. Es-tu un mâle ou une femelle? À vrai dire, ma question est ridicule car il est impossible de savoir à quel sexe les cadavres appartenaient avant de sortir de la salle d’interrogatoire.

Le jeune homme baissa les yeux en silence. Il chercha un petit coin où s’asseoir mais les prisonniers s’amusèrent à lui dire d’aller s’installer ailleurs. Ba-Fon passa des heures debout au milieu de la salle en subissant les remarques disgracieuses et les injures de ceux qui devraient normalement comprendre son angoisse. Comme il était pacifique, les faibles en profitaient pour projeter sur lui toute la haine qu’ils entretenaient envers leurs prochains. Pourtant, l’un des hommes finit par dire en pleurant :

- Je ne veux pas souffrir le martyre pour satisfaire leur simple plaisir. Je ne veux plus de haine, de vengeance et même de ces sales guerres entre les hommes. Mon Dieu, je te supplie. Prends ma vie selon tes volontés et non selon celles des hommes. Si je dois mourir entre les mains des bourreaux, accorde-moi le courage de quitter ce monde sans emporter la moindre rancune envers ceux qui m’auront finalement libéré de mon fardeau de fautif.

- Il est écrit dans ton coeur que tu as servi tous les maîtres sur Terre à part celui qui était le tien dans une Cité de verre, lui dit le jeune homme en le regardant d’un air plein de douceur. Regarde dans tes mains et tu verras une image de ce maître.

- Je vois un jeune homme qui se détourne d’un vieillard, s’exclama le prisonnier. Le maître me dit que je ferais un bon élève mais je préfère sortir du Temple de verre pour servir les intérêts d’un autre maître.

- Ton nom était TOPPUS, frère cadet du célèbre accompagnateur du grand-prêtre Lemu. Adep était l’ADEPTE du coeur et toi, je ne te cacherai pas que tu était le SUPPÔT du mutant Myotis. C’est toi qui fût son meilleur serviteur dans cette cité au grand désespoir de ton frère et du maître Lemu. Aujourd’hui, j’ai ce pouvoir de t’offrir à nouveau une place dans la Confrérie des grands-prêtres arkariens pour que tu enseignes la différence entre le vrai et le faux.

- Je sais quels sont les fruits qui poussent dans le jardin du mauvais maître.

- Sais-tu reconnaître celui qui te parle?

- Il y a en toi une bonté qui ne vient pas des hommes. C’est cela un bon maître!

- Je vais prendre ton fardeau et ainsi alléger tes derniers pas dans ce monde des violences. Ferme les yeux et dort comme ce jeune enfant sur le sein de sa mère.

Les autres prisonniers se dirent entre eux : “ Ils sont fous ces deux-là!” Pourtant, un sourire apparut sur les lèvres gercées de l’ancien fautif et la mort vint le chercher sans faire de bruit. Ba-Fon s’agenouilla en éprouvant toutes les peurs et angoisses de cet homme sur ses frêles épaules. Un gardien ouvrit la grille et demanda froidement à l’un des prisonniers de l’accompagner.

- Il est mort, se contenta de répondre Ba-Fon en se relevant lentement. Je vais prendre sa place.

- Tu es le seul prisonnier qui est malheureusement trop important pour t’envoyer à la douche des gardiens. J’ai l’ordre de te conduire dans une cellule privée mon mignon. Tu vas voir que les officiers ne tarderont pas à te faire comprendre ta vocation! Toi là-bas, tu vas remplacer celui qui est vraiment chanceux de s’en être sorti sans passer par la salle des “ humiliations ”.

Un prisonnier fut saisi par le bras en suppliant ses semblables de le protéger. La crainte de souffrir les coups de pieds des gardiens rendait les autres insensibles à sa demande. Deux compagnons de cellule le poussèrent devant le gardien sans qu’il lui soit nécessaire d’appeler du renfort. Le pauvre homme encore imberbe cracha sur eux en hurlant : “ Vous n’êtes pas dignes de mourir dans la dignité, bande de lâches!”

Au moment où le gardien chercha à retirer la jaquette du prisonnier, Ba-Fon ferma les yeux et des plaques rouges apparurent aussitôt sur le torse du malheureux. Le gardien recula et s’empressa de refermer la grille de la cellule en criant : “ La peste...Vous pouvez tous crever dans votre merde!”

Une lourde porte vint se rabattre sur la grille et le bruit des verrous ne laissa aucun doute dans l’esprit des prisonniers. Ils étaient tous condamnés à mourir de faim et de soif dans ce trou noir. La peste bubonique ne pardonnait pas mais ces gens savaient qu’ils avaient plus de chances de succomber de faiblesse que par cette terrible épidémie. Ba-Fon ouvrit les yeux pour dire dans cette noirceur absolue:

- Personne ne mourra de la peste car j’ai trompé ce gardien par une illusion.

- Qui es-tu?, demanda une voix troublée.

- Je suis Ba-Fon, l’enfant de la lumière.

- Baliverne! Nous sommes dans le noir mon cher “ illuminé ”.

- Vous êtes dans la lumière depuis toujours mais vous refusez de la voir rayonner autour de vous.

- Si tu es l’enfant de la lumière, qu’attends-tu pour la faire apparaître dans notre cellule?, lui demanda une voix haineuse.

- Je vois parfaitement dans le noir à cause de mes origines et je peux regarder la lumière en face sans qu’elle me blesse la vue. Si je faisais apparaître la lumière dans cette pièce, vous seriez tous aveuglés par celle-ci sans la voir davantage à cause de votre coeur qui ressemble à un aveugle dans la cité des couleurs. Je pourrais passer des jours à vous en parler sans parvenir à vous montrer ce qu’est la LUMIÈRE VÉRITABLE.

- Tu parles de choses trop compliquées pour notre expérience de vie. Je suis né au début de la Troisième guerre Mondiale et je n’ai jamais entendu un seul homme me parler ainsi.

- C’est parce que les hommes t’ont enseigné à mépriser ton prochain, à rejeter les valeurs humaines, et toutes ces choses qui étaient dans la nature pour le bonheur de l’humanité. Comment pouvait-on te parler d’une lumière qui éclaire le coeur tout en t’encourageant à oublier de voir la BÊTE dévorer votre monde? Je te dis cela pour que tu saches que la lumière a toujours existé dans ton coeur même si personne n’a voulu t’en rendre conscient.

- Cette noirceur ne te fais pas peur?, demanda une autre voix.

- Ce n’est pas la noirceur qui fait peur mais ce qu’elle contient. Si je te laissais voir par cette douce lumière originelle, tu risquerais de la piétiner violemment dès que tu verrais l’aspect de ton monde intérieur. Si tu ne peux accepter de ne rien voir dans ce noir, où trouveras-tu la force de regarder ta propre noirceur? Avant de voir la lumière, il faut accepter de VIVRE dans la noirceur. Nous sommes plongés dans les durs ténèbres en attendant la mort car c’est elle qui possède la clef de la lumière.

- Allons donc, prétends-tu que la mort ouvre la porte à la lumière?

- Pour tout dire, si tu doutes que la mort possède la clef qui ouvre la porte à la lumière, mieux vaut pour toi maudire un destin qui t’a fait naître, souffrir et condamné à ENTRETENIR LA BÊTISE. Crois-moi, peu importe le pouvoir de ceux qui se prétendent les maîtres de la Terre. Ils sont arrogants par crainte et non par désir. Ils veulent tellement croire à l’inexistence de cette lumière éternelle qu’ils font tout pour l’empêcher de se manifester dans le monde. Ils semblent heureux de pouvoir tuer les enfants de la lumière parce que cela leur donne l’illusion d’avoir éteint la flamme de la liberté des êtres. Même en détruisant l’humanité entière, il est impossible d’empêcher ces martyres de témoigner en faveur de la vérité. Ils ne disparaissent que pour un certain temps. C’est pour cela que les violents s’imaginent avoir fait taire un témoin en le tuant BÊTEMENT. Non seulement c’est ridicule mais pendant mille ans, l’esprit du témoin continuera à agir dans le monde pour terminer sa mission. Il le fera d’une manière visible ou invisible.

- Tu prétends que les hommes ne peuvent tuer un enfant de la lumière? Alors, tu ne crains pas de mourir?

- Ce n’est pas de mourir qui fait peur mais de se retrouver dans un monde sans lumière. Celui qui traverse un couloir obscur en tenant un flambeau n’est pas désemparé comme le marcheur qui tâtonne dans un lieu inconnu pour en trouver la sortie. La mort est la clef qui en ouvre la porte mais si tu refuses ton destin, tu l’empêches de t’ouvrir la porte conduisant au monde des couleurs. Il existe parce que la lumière le rend manifeste.

- Attends un peu, tu dis que si je ne veux pas mourir, j’empêche la mort de m’aider à mourir?

- Non, à vivre dans la lumière qui a toujours existé et que les hommes ont rejeté lorsqu’ils décidèrent de vivre sans elle. Dans ton coeur se trouve une parcelle de cette clarté immortelle et originelle. Pourquoi me posez-vous des questions sur une réalité qui devrait normalement vous apparaître conforme à la vérité?

- Quelle vérité? Nous passons notre temps à la rechercher!

- Non, vous ne recherchez pas la Vérité puisqu’elle n’est pas une question et une réponse à tout ce qui existe sur Terre et dans le ciel. La Vérité est un SIMPLE PONT entre CE QUI EST et CE QUI N’EST PAS. Elle ne demande pas à être prouvée et c’est pour cela que les hommes sont tellement divisés dans leurs recherches spirituelles. Ils n’avaient pas à pratiquer une religion pour comprendre la différence entre un geste généreux et l’abus de leur prochain. Ils n’avaient pas à apprendre une philosophie particulière pour réaliser la différence entre un maître et un esclave. Avaient-ils besoins de toutes ces lois pour définir des droits qui devaient logiquement être les mêmes pour tous? La lumière s’est éteinte dans leurs coeurs le jour où un seul humain fut considéré inférieur par ses semblables. L’ignorance vient principalement du désir orgueilleux de vouloir définir “ ce qui était ”par ce QUI DEVRAIT ÊTRE.

Les heures passèrent sans que les prisonniers éprouvent le désir de boire, de manger ou de dormir. Ils apprirent à apprivoiser la mort pour qu’elle se présente sans sa robe NOIRE. Le lendemain matin, un gardien ouvrit la porte pour apercevoir avec stupéfaction un jeune homme assis sur une couche de poussière. Ba-Fon releva la tête et fit un large sourire au gardien en disant ironiquement :

- N’est-ce pas dans la poussière que la vie forme et déforme son oeuvre?

- J’ignore qui tu es, lui dit craintivement le mercenaire en le saisissant par un bras. Mais tu vas sortir d’ici au plus vite avant qu’on m’accuse d’avoir fait couler le sang d’un homme capable d’un tel prodige.

Ba-Fon s’éloigna du bunker sans se presser et fit sourire ce gardien en passant entre deux soldats en train de discuter entre eux. Ceux-ci ne firent nullement attention au prisonnier comme s’il était invisible. L’enfant de la lumière poursuivit sa route à travers des rues entourées de décombres d’immeubles.

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